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Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/336

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raîtraient que lorsque la contrée serait entièrement purgée de la race abominable de Calvin. Il fallait donc prier, prier ardemment le Seigneur de dissiper ses ennemis et lui demander la grâce d’être les instruments dont il se servirait pour les détruire !

Et, sur cette charitable péroraison, levant ses grands bras vers le ciel, l’orateur, rouge d’une sainte fureur, entonna de sa voix puissante le psaume Exsurge, Domine, repris par les chantres et le clergé. — « Que le Seigneur se lève, et ses ennemis seront dispersés, et ceux qui le haïssent fuiront devant sa face… »

Toujours froid et impassible, l’abbé de Bretout suivait de ses yeux clairs l’effet des paroles violentes et passionnées du prédicateur, visible sur les figures hébétées des assistants, et il se réjouissait en songeant à la riche moisson que donneraient quelque jour ces semences déposées dans l’âme obscure des paysans.

Sur son ordre bref, la procession prit pour le retour un autre chemin, qui passait près du Désert.

Lorsqu’on défila au bout de l’allée, les chants redoublèrent d’énergie, tellement que Daniel fut appelé au dehors par les abois furieux de César. Du portail il contempla non sans étonnement ces paysans maladifs, ces femmes flétries avant l’âge, qui le dévisageaient avec horreur, tandis que les prêtres enflammés de zèle clamaient furieusement :

« Mais Dieu brisera les têtes de ses ennemis, les têtes superbes de ceux qui marchent avec complaisance dans leurs péchés… »

— À qui diable en ont-ils ? disait le docteur à Sylvia, qui l’était venue rejoindre.

Tout à fait en queue de la procession marchait un