Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/252

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LA NOURRICE.

Nous périssons donc si nous ajoutons un nouveau malheur au premier, avant que nous ayons épuisé celui-ci.

LE PAIDAGÔGUE.

Pour toi, — car il n’est pas bien que la maîtresse sache ces choses — reste tranquille et n’annonce pas cette nouvelle.

LA NOURRICE.

Ô enfants, entendez-vous quel est votre père pour vous ? Je ne demande pas qu’il périsse, car il est mon maître ; mais, cependant, il est mauvais pour ses amis.

LE PAIDAGÔGUE.

Qui n’est tel parmi les mortels ? Apprends-tu pour la première fois ceci que chacun s’aime beaucoup plus qu’il n’aime son prochain, celui-ci justement, celui-là en faveur de son propre intérêt, puisque un père, à cause d’un nouveau mariage, n’aime plus ses enfants ?

LA NOURRICE.

Entrez dans la demeure, enfants. Ce sera bien, en effet. Mais toi, tiens-les grandement séparés de leur mère et ne les mène pas à cette mère irritée dans son cœur. Je l’ai vue les regarder de ses yeux de taureau farouche, comme si elle méditait quelque chose, et elle ne cessera d’être furieuse avant de s’être ruée sur quelqu’un. Plaise aux Dieux que ce soit sur un ennemi, et non sur un ami !