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Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/295

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un double mal la tourmentait. En effet, la couronne d’or posée autour de sa tête faisait jaillir un feu qui dévorait toutes choses, et le fin péplos, présent de tes enfants, rongeait la blanche chair de la malheureuse. Se levant du thrône, elle s’enfuit, enflammée, et elle secouait çà et là sa tête et sa chevelure, désirant arracher la couronne ; mais l’or en feu adhérait invinciblement à sa tête, et, après qu’elle eut secoué sa chevelure, le feu n’en brûla que davantage. Et elle tomba contre terre, vaincue par son mal et difficile à reconnaître, si ce n’est par son père. Elle n’avait plus ni les yeux brillants, ni la face belle. Et le sang ruisselait de sa tête, mêlé au feu, et ses chairs tombaient de ses os comme des larmes de poix, sous les morsures invisibles du poison. Horrible spectacle ! Et tous craignaient de toucher le cadavre, et sa destinée nous servait d’avertissement. Mais son malheureux père, ignorant ce malheur, entra brusquement et se jeta sur la morte, et il cria aussitôt, et, entourant le corps de sa fille de ses bras, il le baisait en lui parlant ainsi : — Ô malheureuse fille, quel Dieu t’a si indignement perdue, et m’envoie au tombeau, vieux et privé de toi ? Puissé-je mourir avec toi, ma fille ! — Ayant mis fin à ses lamentations et à ses sanglots, voulant relever son vieux corps, il resta attaché au léger péplos, comme le lierre aux rameaux du laurier. Et la lutte était horrible, et quand il voulait redresser un genou, elle le ramenait en arrière ; et quand il s’efforçait, elle détachait les chairs du vieillard de ses os. Enfin le malheureux s’éteint et rend l’âme, dompté par son mal. Tous deux gisent morts, la fille et le vieux père ! calamité digne d’être pleurée ! Pour ce qui te concerne, c’est ce dont je ne puis parler. Tu trouveras toi-même le moyen d’éviter le châtiment. Je ne pense pas aujourd’hui pour la