Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, II, 1884.djvu/654

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gloire, puisque tu habites une extrémité de la Hellas, sous la roche flamboyante de l’Aitna. C’est une loi pour les mortels d’accueillir des suppliants battus par la mer, de leur faire les dons hospitaliers et de les vêtir, et non de les embrocher, et d’en emplir ton ventre et tes mâchoires ! Assez, en effet, la terre de Priamos a dépeuplé la Hellas ; elle a assez bu le sang de milliers d’hommes tués par la lance, et assez perdu de femmes privées de leurs maris, de vieilles mères privées de leurs fils, et de pères en cheveux blancs. Si tu rôtis ceux qui survivent, et si tu nous manges en d’horribles repas, où quelqu’un se réfugiera-t-il ? Mais, entends-moi, Kyklôps ! Réprime la voracité de ta mâchoire ; préfère la piété à l’impiété. Très souvent des gains iniques amènent la ruine.

SEILÈNOS.

Je veux te donner un conseil, Kyklôps ! Ne laisse rien de toutes les chairs de celui-ci. Si tu manges sa langue, tu deviendras habile et très éloquent.

LE KYKLÔPS.

La richesse, petit homme, est un Dieu pour les sages. Le reste n’est que fanfaronnades et belles paroles. Je me soucie assez peu des hauteurs maritimes consacrées à mon père. Pourquoi les vantais-tu ? Je ne crains pas la foudre de Zeus, Étranger, et je ne sais point que Zeus soit un Dieu plus puissant que moi. Je ne m’en inquiète pas le moins du monde. Sachez pourquoi je ne m’en inquiète pas : Quand il verse la pluie d’en haut, j’ai ma demeure sous cet antre, dînant d’un veau rôti ou de quelque bête sauvage ; et, le ventre étendu, après avoir bu une amphore