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Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, II, 1884.djvu/87

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voulons arracher de sa place le gouvernail de la nef à la belle poupe. Et nous échangions des paroles : — Pourquoi emportez-vous à la dérobée la statue de la Déesse et la sacrificatrice ? De quel père es-tu né, toi qui enlèves cette femme d’ici ? — Et il répondit : — Je suis Orestès, son frère, afin que tu le saches, fils d’Agamemnôn, et j’emmène ma sœur que j’avais perdue, enlevée de nos demeures. — Néanmoins, nous retenions l’Étrangère, et nous tentions de la contraindre à nous suivre vers toi. De là ces plaies cruelles de mes joues, car ils n’avaient point d’épées, de même que nous. Et les poings retentissaient, et les mains des deux jeunes hommes nous frappaient de concert dans les flancs et au foie, au point que nos membres furent bientôt épuisés de fatigue. Et tout couverts des marques de coups, nous nous enfuîmes sur une hauteur, les uns ayant des plaies sanglantes à la tête, et les autres aux yeux. Du faîte des collines, nous combattions plus en sûreté, et nous lancions des pierres ; mais, de la poupe, des archers nous écartaient avec des traits et nous repoussaient au loin. Alors, — un grand flot, en effet, avait poussé la nef contre terre et les marins craignaient qu’elle fût submergée — Orestès, ayant soulevé sa sœur sur son épaule gauche, entra dans la mer, et, montant aux échelons, la déposa dans la nef aux solides bancs de rameurs, en même temps que la statue, tombée de l’Ouranos, de la fille de Zeus. Et du milieu de la nef une voix s’écria : — Ô rameurs de la Hellas, saisissez vos avirons et battez les flots blancs d’écume, car nous possédons ce que nous sommes venus chercher, en naviguant dans le Pontos Euxeinos et à travers les Symplègades ! — Et tous firent entendre un murmure frémissant de joie, et frappèrent la mer. Et la nef, aussi longtemps qu’elle fut