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Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/306

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mencer pour elle ; on pourrait le penser, en voyant cet air de fête et ces réjouissances. Mais, hélas ! une jeune mariée n’est, le plus souvent, qu’une victime parée pour le sacrifice ; elle quitte une maison où elle vivait, il est vrai, dans le délaissement et l’abandon, mais enfin avec des parents auxquels elle était accoutumée depuis sa naissance. La voilà jetée maintenant, faible et sans expérience, chez des inconnus, au milieu des privations, entourée de mépris, et à la merci de son acheteur. Dans sa nouvelle famille, elle doit obéissance à tous, sans exception. Selon l’expression d’un ancien auteur chinois, « la nouvelle mariée ne doit être, dans la maison, qu’une pure ombre et un simple écho. » Elle n’a pas le droit de prendre les repas avec son mari, pas même avec ses enfants mâles ; son devoir est de les servir à table, debout et en silence, de leur verser à boire et de leur allumer la pipe. Elle doit manger seule, après les autres, et à l’écart. Sa nourriture est grossière et peu abondante ; elle n’oserait toucher aux restes de ses fils.

On trouvera, peut-être, que cela s’accorde peu avec le fameux principe de la piété filiale ; mais il ne faut pas oublier qu’en Chine la femme ne compte pas. La loi la laisse de côté, ou ne s’en occupe que pour la charger d’entraves, constater sa servitude et son incapacité légale. Son mari, ou plutôt son seigneur et maître, peut impunément la frapper, la faire mourir de faim, la revendre, ou, qui pis est, la louer pour un temps plus ou moins long, comme cela se pratique dans la province de Tche-kiang.

La polygamie, qui est permise aux Chinois, vient encore augmenter les infortunes et les misères de la