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Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/445

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Pour ceux qui sont tranquillement à terre, la vue de ces manœuvres est très-attrayante ; on contemple avec intérêt tous les mouvements du navire ; on suit sa marche avec anxiété ; à mesure qu’il avance on suppute ce qu’il a gagné ou perdu dans la bonne direction, et on cherche à deviner s’il enfilera la passe ou s’il sera obligé de prendre une autre bordée. Quand il y a plusieurs navires engagés dans le même embarras, on aime à comparer la supériorité de leur marche, leur bonne grâce, leur allure ; il en est toujours un auquel on s’intéresse, malgré soi, d’une manière toute particulière ; les yeux sont fixés sur lui avec inquiétude, et on fait des vœux pour son succès. S’il réussit, on est dans la joie, on est fier, comme si on avait contribué à son triomphe ; si, au contraire, il échoue, on est tout attristé. Mais il faut être sur le rivage, fumant sa pipe tout à l’aise, pour trouver ces luttes intéressantes, et se créer à plaisir des émotions de ce genre. Pour ceux qui sont à bord, la chose est, au contraire, très-peu divertissante. La première et la seconde tentative, on les supporte encore avec assez de patience ; ensuite la bile commence à se remuer, et lorsqu’on s’aperçoit qu’on refait continuellement, et, avec peine, le même chemin, sans jamais avancer, oh ! alors la physionomie prend une teinte qui n’est guère gracieuse, et, si l’on est pressé d’arriver, si le temps est mauvais et la navigation dangereuse, il y a vraiment de quoi enrager quand on a le malheur de ne pas savoir se résigner à la volonté de Dieu.

Il y avait plus d’une heure que nous étions à louvoyer sans que personne pût réussir à passer ; la brise