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Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/176

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Pour expliquer complétement la situation de Manette auprès de mademoiselle de Surgy, j’ajouterai qu’elle était la sœur naturelle de M. de Gerbier. Ces faits sont très-communs aux colonies, et ne tirent à aucune espèce de conséquence.

Manette avait donc un intérêt, qui se comprend de soi, à soutenir auprès de sa maîtresse les prétentions du jeune de Gerbier, prétentions que le marquis de Surgy avait d’abord autorisées. La cabresse avait largement usé de son influence pour préparer la réalisation de ce projet qui n’avait, jusque-là, souri que médiocrement au cœur de la jeune fille. Mais Manette avait répondu du succès avec une confiante outrecuidance ; elle ne croyait pas mentir.

La nouvelle de l’union arrêtée entre de Vauclair et Églantine, fut un coup de foudre pour M. de Gerbier. Manette, qui s’était aperçue des progrès que faisait le jeune officier dans le cœur de mademoiselle de Surgy, avait essayé de l’en chasser par les sortiléges innocents et absurdes que les nègres emploient toujours si sérieusement dans les difficiles occasions. Afin de s’assurer si elle avait réussi, Manette avait eu recours à un moyen très-usité dans ces pays pour questionner le cœur des femmes.

Profitant du sommeil d’Églantine, la jeune cabresse avait très-délicatement effleuré, trois fois de suite, les lèvres de sa maîtresse avec une paille très-fine. La croyance populaire est que les femmes ont si bien le cœur sur les lèvres, que, en s’éveillant sous l’influence de cette sensation, elles doivent incontestablement prononcer le nom de la personne qui occupe leur pensée.

Le hasard voulut que l’expérience de Manette donnât raison au préjugé. En s’éveillant, Églantine prononça le nom de Léon. La cabresse en conçut une violente colère. Changeant alors de tactique, elle renonça aux sortiléges,