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Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/224

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chœur, le cheval d’André se cabra si rudement qu’il renversa son cavalier, puis s’élança comme un furieux. J’ai dit que la rue était déserte en ce moment ; personne donc ne se trouva là pour arrêter le cheval ni pour secourir le cavalier. Mais, en même temps que celui-ci tombait, deux cris partirent simultanément de derrière les jalousies abaissées d’une maison ; et bientôt après André, évanoui et le visage couvert de sang, fut relevé et traîné plutôt que porté dans un hôtel dont les portes de marbre se refermèrent promptement.

Trois femmes s’étaient empressées autour de lui pour lui prodiguer leurs soins : l’une d’elles était la marquise Daguilla ; l’autre une vieille négresse qui administra aussitôt au blessé des remèdes de sa composition, accompagnés de paroles sacramentelles, et la troisième une jeune mulâtresse nommée Tobine, qui se tenait à genoux, et le visage bouleversé, devant M. de Laverdant.

Quand André eut repris connaissance, il ne restait plus à ses côtés que la vieille négresse. La marquise et Tobine s’étaient enfuies dès que la vie avait paru revenir.

— Je savais bien qu’il n’était pas besoin d’appeler un chirurgien, murmura la négresse en voyant André rouvrir les yeux. Est-ce que jamais un malade a résisté à mes remèdes ?

Ce disant, la négresse fit un signe de croix, après avoir trempé le bout de son index, dans les gouttes de sang qui rougissait la veste de toile blanche du jeune officier, et en même temps elle remit dans une des poches de sa jupe un chapelet composé de grosses graines, sur lequel étaient peints des signes cabalistiques.

Puis, s’adressant à André :

— Vous voilà sur jambes, Excellence. Vous plaît-il que je fasse avancer une volante pour vous reconduire chez vous ?