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Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/25

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paquet d’herbes retombaient devant le visage de la jeune négresse et le couvraient comme eût fait un voile. Sa jupe en étoffe de gingat bleu, à moitié retroussée, laissait à découvert ses jambes jusqu’au-dessus du genou ; sa chemise de grosse toile était, selon l’usage du pays, à peine nouée et retombait sur une des épaules de manière à n’habiller qu’à peine la poitrine. Elle s’en allait les deux poings sur les hanches, les bras arrondis et fredonnant une chanson monotone improvisée dans le patois du pays. Elle passa tout près de Firmin sans prendre garde à lui autrement que pour lui jeter ces mots qui sont le salut des nègres et qu’ils adressent à tous les blancs :

— Bonsoir, maître.

Elle continua sa route. Firmin l’appela alors. La jeune négresse s’arrêta, et se retournant vers lui :

— Qu’y a-t-il pour votre service ? demanda-t-elle en écartant de la main les herbes vertes qui l’aveuglaient.

Voyant devant elle un jeune homme dont la toilette, malgré l’état pitoyable où elle se trouvait, trahissait quelqu’un de supérieur, elle jeta son paquet, et, sans attendre que Firmin lui adressât la parole :

— Pas possible ! s’écria-t-elle en joignant les mains et avec une intonation expressive qui peint au suprême degré l’étonnement chez les nègres, — pas possible ! vous êtes donc tombé dans l’étang, Monsieur ?

— Non, mon enfant, répondit Firmin, je reviens du fond de la mer.

— Jésus Maria ! murmura la jeune négresse.

Cette exclamation, qui est familière à toutes les races du pays, traduit aussi bien la stupeur que l’admiration.

— Et d’abord où suis-je ici ? demanda Firmin.

— À la Basse-Pointe.

— Trouverai-je dans le bourg une auberge et un cheval ?

— Je ne connais d’autre auberge que celle-là, fit la jeune