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Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/47

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j’ajouterai que le sentiment qu’il éprouvait se révélait comme enveloppé d’une sorte de nuage romanesque, et bien différent du trouble qu’avait excité en lui la première vue de Madeleine.

Il se laissait aller au courant de ses tendres ardeurs, qui lui montaient comme des bouffées de parfum, lorsque Jérémie entra dans la pièce, un flambeau à la main.

— Monsieur, dit-il à son hôte, votre lit est prêt ; je vous demande bien pardon pour ma mauvaise hospitalité, mais c’est du meilleur cœur que j’ai fait tout mon possible pour la rendre digne de vous.

— Merci, Jérémie ; je sais tenir compte aux gens de leurs bonnes intentions et de leur bonne volonté. Mais comment se trouve Madeleine ?

— Elle est couchée et endormie. Elle a un peu pleuré… affaire de nerfs, voilà tout ; demain, il n’y paraîtra plus.

Le mulâtre conduisit Firmin dans une chambre au rez-de-chaussée de la maison, et, déposant le flambeau sur une table :

— Je vous offre ma propre chambre ; Monsieur. Grâce à Madeleine, elle est assez bien tenue, comme vous voyez. Allons, bonne nuit, et, de nouveau, merci.

— Et où donc allez-vous coucher, vous, Jérémie, puisque vous me donnez ainsi votre chambre ?

— Moi ? Oh ! n’importe où, là où je trouverai un coin où pouvoir m’étendre tout de mon long, sans me cogner le crâne et sans trop me raccourcir les genoux. À part, le mulâtre murmura : Je vais me coucher au travers de la porte de Madeleine.

Ce tête à tête du souper inquiétait évidemment le vieux mulâtre, fort préoccupé de surveiller les relations de Firmin et de Madeleine ; puis, il ne manquait pas de finesse et d’observation, le père Jérémie. D’ailleurs il n’était pas besoin d’être un psychologue gradué pour comprendre que