Aller au contenu

Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nègre de questions. Ce qu’il en apprit, nous pouvons le résumer ainsi :


X


Selon l’expression du nègre, Madeleine n’était qu’une demi-mulâtresse ; toute autre expression lui aurait manqué pour désigner bien exactement la caste à laquelle elle appartenait, attendu que, si elle avait un mulâtre pour père, elle était fille d’une blanche, croisement monstrueux dans les colonies, inadmissible, et qui, quand il a existé, a toujours été étouffé dans les mystères de la famille.

Jérémie avait fait un voyage en France, et y avait épousé une femme blanche, de condition vulgaire. Il l’avait ensuite amenée à la Martinique, non point dans le but de faire la guerre à la société coloniale, car il avait modestement enfoui sa femme dans l’humble position d’ouvrier forgeron, qu’il exerçait dans un des bourgs de la colonie avant d’être appelé aux fonctions d’économe sur l’habitation où il était placé depuis une dixaine d’années.

Madeleine, aux yeux des nègres, était donc quelque chose de supérieur aux mulâtresses ordinaires, pour lesquelles ils professent peu de sympathie. Élevée pour ainsi dire dans la maison des maîtres de l’habitation, Madeleine y avait acquis ces dehors d’éducation que Firmin avait surpris en elle ; et Jérémie, sérieusement préoccupé de l’arracher au sort réservé aux femmes de sa classe, avait tenu à ce qu’elle ne prît aucune des habitudes des filles de couleur, pas même leur élégant costume. Au sur-