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Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/53

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Aucune réflexion n’était venue l’en détourner, en lui montrant le danger ou l’irréalisation de ce bonheur plein d’orages.

En même temps que l’aurore si fugitive sous le climat des Antilles commençait à poindre, le fouet du commandeur se fit entendre en sifflant dans l’air, non point comme une menace et comme une exécution sur le dos de quelque esclave, mais comme un appel au travail. Puis, après avoir fatigué l’air de ses sifflements bruyants, le fouet se reposa, et le commandeur souffla dans un coquillage nommé lambic, et fit retentir, pendant cinq ou six minutes, un son monotone et sourd.

Peu après, le grand atelier, composé de tous les adultes, femmes et hommes, se rangea sur la savane. Après la prière faite à haute voix, à laquelle Jérémie, pour la première fois, n’assista point, on se mit en marche pour gagner le travail.

Pourquoi Jérémie n’était-il pas présent à la prière de l’atelier ? c’est ce que nous allons dire.


XI


Au moment où il avait vu poindre le jour, Firmin avait ouvert doucement la porte de sa chambre, et avait allongé la tête pour écouter.

Tout était encore silencieux dans la maison ; les fenêtres fermées n’avaient pas laissé pénétrer le jour dans l’intérieur. Mais, dès le premier coup de fouet du commandeur, Firmin avait entendu le plancher de la galerie craquer sous des pas. Il devina que c’étaient ceux de Jéré-