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Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/80

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veux pas vous contrarier, monsieur Claudien, et je suis trop heureux en même temps de payer une dette de cœur à M. le comte de Lansac. Je consens à vous garder ici, mais à deux conditions.

— Voyons ? demanda Firmin.

— C’est d’abord qu’au premier mouton empoisonné, vous partirez aussitôt.

— Accepté ; et la seconde condition ?

— C’est que vous observerez bien scrupuleusement la recommandation que je vous ai faite hier au soir, de ne point dire à Madeleine…

— Eh ! s’écria Firmin en interrompant le mulâtre, si ce n’est que cela, soyez donc sans inquiétude. Il ne fallait pas prendre tant de détours, et mieux valait me parler tout net et à cœur ouvert.

— Eh bien, quand nous mettrons-nous à l’ouvrage ? fit Jérémie en se mordant les lèvres.

— Dame ! répondit Firmin, demain, si vous le désirez. Vous m’accorderez bien encore cette journée pour me reposer.

— Soit ! je vais conduire l’atelier au travail ; nous déjeunerons au retour. Au revoir donc !…

Jérémie s’éloigna de quelques pas, puis revenant subitement, et entraînant Firmin sous le manguier où il lui avait adressé de si pathétiques paroles quelques jours auparavant :

— Tenez, monsieur Claudien, lui dit-il, j’aime mieux tout vous dire ; vous comprendrez mieux aussi l’importance de mes recommandations.

— Voyons ?…

— Eh bien ! reprit le mulâtre, Madeleine va se marier dans dix jours, et je craindrais que le souvenir du comte ne vînt la troubler et n’apportât un nuage dans son bonheur.