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Page:Féret - Les Origines normandes de François Villon - 1904.djvu/31

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DE FRANÇOIS VILLON

Comme lui Wace implore les grands, et nous entretient de son étroite fortune.

Le reis Henris li secund
À Baieues une provende
Me fit doner. Deus li rende
De tout li sace[1] dex bon gré…

Villon a-t-il connu Wace ? Je le crois : il lui a emprunté un vers :

Villon : À peu que le cueur ne me fend.

Wace : À pou ke li cuer ne li fant.
(Identité).

Ne serait-ce pas dans le Roman de Rou qu’il faudrait rechercher la première lamentation de la mélancolie villonique ?

Toute rien (chose, rem) se torne en déclin.
Tout chiet (tombe), tout muert, tout vait à fin ;
Homs muert, fer use, fust (bois) porrist ;
Tur font (s’écroule), mur chiet, rose flaistrist :
Cheval tréhusche, drap viésist.
Tot ovre fait o mainz périst :

« Le sentiment du néant des choses et des êtres », qui souvent nâvre le poète d’une incurable tristesse, il est tout entier dans le carme admirable que je traduis : « Toute œuvre de la main périt ».

Que nul n’en soit surpris ; si les deux poètes se ressemblent on peut trouver à ce d’excellentes raisons ; ils sont de la même lignée. L’un est peut-être même le descendant direct de l’autre. Sait-on jamais ? Les familles font le même geste à travers les âges. Aux unes il est prescrit de chanter, aux autres, ordonné de combattre. Ce sont toujours les mêmes qui commercent ou commandent, conseillent ou conspirent. Et les poètes engendrent des poètes,

  1. Sache.