Aller au contenu

Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/217

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

homme ; mais on semblait s’entendre. Il y avait de certains sourires narquois pour accompagner les éloges.

En somme, il ôtait facile de voir que le cabaretier ne passait point pour un saint et qu’il excitait, parmi ses pratiques, une certaine défiance.

— Il fait toujours les affaires du bausse (patron), dit Hermann comme conclusion ; et ce n’est pas un beau métier !… Je l’aimais mieux quand il ne faisait que prêter à la petite semaine…

Johann rentrait en ce moment, laissant encore la porte entr’ouverte. Il jeta son bâton dans un coin et revint s’asseoir d’un air de mauvaise humeur.

— Ah ! çà, mes vieux, dit-il, nous avons la berlue !… il n’y a pas plus de curieux dans la rue du Puits que sur la main… Buvons un peu pour nous éclaircir les yeux.

— Je savais bien que vous n’auriez trouvé personne, murmura Hans ; — ceux qui se montrent ainsi aux heures où l’on parle des morts savent se cacher quand ils veulent, et ce n’est point le regard d’un homme qui pourrait les découvrir malgré eux.

— Allons donc !… dit Johann.

Les autres convives frémirent, et Fritz ébaucha un signe de croix dans son coin.

— Mais qui donc avez-vous vu ce soir, voisin Hans ? reprit Hermann ; — vous alliez nous le dire lorsqu’on vous a interrompu.

— Celui que j’ai vu, répondit le marchand d’habits, était bien un homme en chair et en os… Mais à quoi bon vous parler de ces choses !… je suis un pauvre fou, vous savez bien… Je crois voir partout des ressemblances, et il me semble toujours que Bluthaupt va croiser mon chemin.

Hermann lui tendit la main par-dessus la table.

— Vous êtes un bon cœur, voisin Hans, dit-il, et vous vous souvenez c’est pour cela que nous vous aimons !

— Allons ! allons ! s’écria Johann en haussant les épaules, on dirait que nous sommes à un enterrement ici ! Parlons des vivants, morbleu ! ou nous ne pourrons jamais boire le vin tiré… Voisin Hans, quand marions-nous notre petite fille ?