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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/232

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— Ensuite?

La voix de Hans devint plus tasse.

— Il se bat demain à six heures, reprit-il. Il n’a jamais touché à une épée, et il veut prendre une leçon d’armes pour se tenir comme il faut sur le terrain.

En écoutant les détails donnés par le marchand d’habits, le baron de Rodach avait souri involontairement. Il se représentait avec une sorte de complaisance paternelle ce bel enfant, étourdi comme son âge, et tout prêt à jeter son dernier louis pour une nuit de folie.

Mais, au mot de combat, son front se rembrunit tout à coup. La fierté de son regard s’adoucit jusqu’à peindre la sollicitude la plus tendre.

— Un duel ! murmura-t-il, si jeune !… Et avait-il l’air effrayé ?

— Du duel ! à peu près autant que du bal ! répliqua Hans. Il riait en me confessant son ignorance de l’escrime, et il me disait que son adversaire, tout expert qu’il est en fait d’armes, aurait du fil à retordre avec lui…

— Son adversaire est habile ? dit Rodach dont le sourcil se fronça.

— Une des meilleures lames de Paris !

— Savez-vous son nom ?

— Le jeune homme ne l’a point prononcé devant moi.

Rodach fit quelques pas avec agitation. Involontairement son esprit se reportait à cette conversation qu’il avait entendue quelques heures auparavant au coin de la rue des Fontaines. Hans le suivait la tête basse.

Le bon marchand d’habits songeait, et sa rêverie était pleine de découragement. Il y avait dix à parier contre un que ce sauveur, dont il avait d’abord salué si joyeusement la venue, était arrivé trop tard.

Comment retrouver l’enfant parmi la cohue bariolée qui allait envahir Paris dans cette nuit d’allégresse folle ? Et au bout de cette nuit, il y avait un duel à mort, une bataille inégale où le jeune Franz se présentait sans peur, mais sans espoir de vaincre, et comme une victime résignée à tomber.

Dans quelques heures il n’y aurait plus personne à protéger, et l’espoir réveillé allait être anéanti pour toujours !

Le baron de Rodach avait les mêmes pensées, et l’inquiétude de Hans n’arrivait pas à la dixième partie de son angoisse.