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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/251

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— Yanos Georgyi menace d’en venir aux dernières extrémités, s’il n’est pas payé le dix.

— Combien lui doit-on ?

— Neuf cent mille francs.

— Et à Van-Praët ?

— Près du double.

— Et combien avons-nous en caisse ?

— Quelques centaines de louis.

Ces paroles étaient échangées rapidement, et comme si l’entretien eût roulé sur des choses indifférentes. Les réponses succédaient aux demandes avec une précision froide. Mira se tenait droit et calme ; Petite s’appuyait paresseusement sur son bras.

Elle garda le silence durant deux ou trois secondes, puis elle reprit tout doucement :

— Ces quelques centaines de louis que vous avez en caisse, je les veux.

— Vous les aurez demain, répliqua le docteur sans sourciller.

Sara ne le remercia point.

— Je suis à vous, mon ami, dit-elle bien tendrement, pour répondre au regard obstiné de son mari, qui l’interrogeait de loin.

Mais, au lieu de quitter le docteur, elle lui serra le bras avec une vigueur imprévue.

— Ne trouvez-vous pas que M. de Laurens va mieux ? dit-elle.

— Non, répondit Mira.

— Regardez-le bien… regardez encore… Vous qui êtes un homme savant, sauriez-vous médire le temps qu’il peut vivre encore ?

Mira tourna ses yeux mornes vers l’agent de change, qui éprouvait en ce moment une sorte de crise, et dont la figure pâle se contractait douloureusement.

Mira secoua la tête d’un air doctoral…

— Un an peut-être, répliqua-t-il ; — peut-être un mois…

Petite poussa un gros soupir ; et ses sourcils froncés contractèrent son sourire.

Le docteur la contemplait fixement. Son bras tremblait ; ses tempes étaient froides et mouillées. Son émotion, contenue jusqu’alors et ca-