Aller au contenu

Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/256

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. de Laurens ouvrit la fenêtre, et une bouffée d’air froid traversa la chaude atmosphère de la chambre à coucher.

La rue de Provence était, comme toujours à cette heure, déserte et silencieuse.

— Que voyez-vous ? demanda Petite.

— Je ne vois rien, répondit l’agent de change, — si ce n’est un coupé qui attend de l’autre côté de la rue.

— C’est bien, dit Sara ; il fait froid… refermez la fenêtre.

M. de Laurens obéit encore.

Quand il se retourna pour regagner sa place auprès du foyer, il vit sa femme debout et arrangeant ses cheveux devant la glace.

Il prit cela pour un signal et n’osa point se rasseoir.

— Vous allez vous reposer, Sara ? dit-il. Il est temps que je me retire.

— Comment trouvez-vous cette coiffure ? demanda Petite au lieu de répondre.

— Charmante ! comme tout ce qui est à vous !

— Sans flatterie ?

— Puis-je flatter ?…

Sara lui lança une œillade coquette.

— Restez, dit-elle ; je vous prie de rester.

M. de Laurens se rassit tout heureux.

Petite donna un dernier coup à sa coiffure, et ouvrit une armoire où elle prit un domino de satin noir avec un masque de velours.

Le pauvre agent de change se mit à trembler.

— Madame ! Madame ! balbutia-t-il, que voulez-vous faire de cela ?

Sara étendit le domino sur une chaise, et procéda longuement au choix, d’une robe parmi toutes celles qui composaient sa nombreuse collection.

— Qu’en fait-on d’ordinaire ? répliqua-t-elle d’un accent léger. Ce coupé qui attend de l’autre côté de la rue est à moi.

Le sourcil de Laurens se fronça, et une parole impérieuse vint jusque sur sa lèvre. Sa conscience révoltée lui cria qu’il avait le droit de commander ; mais c’était le courage qu’il n’avait pas.