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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/291

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moins il lui sembla que le son de la première voix ne lui était point inconnue.

Il se retourna pour voir qui avait parlé.

Les trois hommes s’arrêtèrent en même temps, et deux d’entre eux laissèrent échapper un cri de surprise.

— C’est son vivant portrait ! dirent-ils à la fois.

Puis l’un d’eux ajouta :

— C’est mon diable de page !…

— Et il est avec mes deux adorées ! murmura l’autre.

Franz ne voyait que leurs yeux noirs et brillants, derrière les collets relevés de leurs manteaux.

Il n’y avait plus à douter du sens de leurs paroles. C’était bien de lui qu’ils s’occupaient. Franz fit un mouvement nouveau comme pour quitter le bras de Sara et les aborder ; mais ils tournèrent le dos tous à la fois, et le flot qu’ils avaient séparé se referma sur eux.

— Qu’avez-vous donc ? demanda madame de Laurens ; nous allons perdre votre ami… Venez !

Franz ne savait trop que répondre. Ses pensées bourdonnaient, confuses, en son cerveau. Durant toute cette nuit, une comédie mystérieuse s’était jouée autour de lui, et il n’avait point le mot de l’énigme.

Il se laissa entraîner et rejoignit Julien d’Audemer, qui l’attendait au coin du boulevard.

Les trois inconnus avaient quitté le passage, et s’entretenaient tout bas dans la rue.

— Il y avait bien longtemps que je n’avais pleuré, disait l’un d’eux d’une voix émue ; — mais j’ai des larmes dans les yeux…

— Il m’a semblé voir sa mère ! ajouta le second, — sa pauvre mère, alors qu’elle souriait et qu’elle était heureuse !…

— Comme il est vif et beau garçon !

— Et comme il est fort !… Si vous aviez entendu son coup de poing sonner sur ma poitrine !…

— Il faut qu’il soit riche !

— Riche et noble !

— Riche, noble et heureux… Il faut qu’il ait en cette vie tous les bonheurs que n’eut point sa mère !