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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/369

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Hans rajusta de son mieux son masque de froideur.

— J’ai cru le deviner, répondit-il.

Le soupçon de Franz s’en alla comme il était venu.

— Ma foi ! s’écria-t-il gaiement, — vous avez deviné juste, père Hans !… il était là en face de Verdier, mon adversaire… et Dieu sait que, malgré la leçon de Grisier, il se battait mieux que je n’aurais pu le faire !… Tudieu ! quelles parades et quelles ripostes ! quel sang-froid et quel poignet d’enfer !… Au moment où nous arrivions, il reçut une légère blessure, et ce fut par ma faute, car un cri de surprise m’échappa à sa vue… mais il me sembla que l’épée de Verdier rebondissait sur sa chair, comme si sa peau eût été une armure d’acier… Deux ou trois gouttes de sang, voilà tout !… puis des attaques rapides, des feintes dont j’ignore le nom… Ah ! c’est lui qui sait parer le contre de quarte ! — mai il ne rompt jamais ! Verdier, le pauvre diable, n’y voyait que du feu ; il se débattait comme au hasard, et j’avais pitié de lui… Mais, lors même que j’aurais voulu le secourir, le temps manquait, père Hans ; car, trois secondes après notre arrivée, Verdier tombait à la renverse, avec un grand coup d’épée dans la poitrine…

— Et le cavalier allemand ?… dit Hans, dont nul effort humain n’aurait pu contenir l’enthousiasme dans ce moment.

— Dieu sait où il est, répliqua Franz ; — vous sentez bien, père Hans, que tout cela ne me plaisait qu’à demi… Je ne suis plus un enfant pour avoir besoin de défenseur ; et cet homme-là, quel qu’il soit, aura un compte à me rendre quelque jour… mais, dans ce premier moment, j’étais comme ébahi et incapable d’agir. Tout ce que je puis vous dire, c’est que le cavalier allemand salua de la main les témoins de Verdier, essuya son épée sur l’herbe, et disparut derrière les arbres…