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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/420

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— J’ai besoin d’être introduit sur-le-champ auprès des chefs de la maison de Geldberg, répondit M. de Rodach.

— Je vais être chassé comme un chien, pensa Klaus.

Mais il n’hésita pas un seul instant, et se dirigea vers la porte des bureaux, en priant Rodach de le suivre.

Le baron se leva, et ils quittèrent tous deux l’antichambre.

La mère Regnault les regarda sortir d’un air triste et envieux.

— Et moi, dit-elle, et moi… je n’entrerai donc jamais !…

La porte des bureaux retomba ; la vieille femme était seule. Elle leva au ciel ses yeux humides, puis sa tête se pencha de nouveau.

Elle demeura immobile dans son coin, pliée en deux, et les mains croisées sur ses genoux qui tremblaient…

M. le baron de Rodach et Klaus, son introducteur, traversèrent en silence les bureaux de Geldberg.

L’ancien chasseur de Bluthaupt marchait le premier, revêtu de son bel habit noir. Il avait repris son air grave et digne. À ne considérer que le costume, l’avantage ne demeurait certes point à M. de Rodach, et l’on aurait pu s’étonner de voir le respect témoigné par un homme si bien mis au cavalier allemand, vêtu encore de son manteau poudreux, et gardant à ses bottes grises la poussière de la veille.

Le baron, en effet, depuis le soir précédent, n’avait point trouvé le loisir de changer de costume. Il avait passé la nuit debout, et tel nous l’avons vu descendre de voiture, au milieu de la foule, devant le Château-d’Eau, tel nous le retrouvons dans les riches bureaux de Geldberg, Reinhold et Compagnie.

Tandis qu’il passait, les commis lui jetaient ce regard morne des oiseaux en cage. Lui, au contraire, examinait tout ce qui l’entourait avec une satisfaction évidente.

Il admirait cet ordre parfait, cette régularité active, ces silencieuses évolutions du travail. Toutes ces choses avaient une bonne odeur d’opulence, qui semblait flatter ses sens et le mettre en joie.

Si les employés eussent été des observateurs, ils auraient pensé sans doute que ce personnage à mine exotique était un associé nouveau qui arrivait à la maison de Geldberg.