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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/469

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— Auprès de monsieur son père, interrompit Reinhold avec triomphe.

Rodach se frotta les mains ; le masque de froideur qu’il avait conservé obstinément jusqu’alors donnait, par le contraste, une force singulière à ce mouvement de joie.

Mira le contemplait avec un véritable bonheur, et Reinhold jouissait orgueilleusement de ce mouvement d’allégresse.

Cette joie si franche et si vive était une profession de foi que l’on ne pouvait révoquer en doute. À supposer que les deux associés eussent gardé quelque atome de défiance, et ce n’était point le cas de Reinhold, ils devaient être pleinement rassurés à ce coup. L’homme était des leurs et de leur trempe ; il ne valait pas mieux qu’eux ; il était à eux.

Dès l’abord, il y avait bien quelques raisons pour le juger tel. Le confident de Zachœus Nesmer ne pouvait pas avoir une conscience très-scrupuleuse ; mais, en définitive, quelques doutes pouvaient surnager dans ces esprits, pour qui la défiance était une nécessité. Maintenant, plus de craintes ! Rodach était décidément quelque chose de mieux qu’un aventurier ordinaire, et il avait tout ce qu’il fallait pour entrer de plain-pied dans la digne confrérie des associés de Geldberg.

C’était un examen qu’il venait de subir ; au fond de leur cœur, Reinhold et Mira lui décernaient un glorieux diplôme.

— Foin de mon rendez-vous ! s’écria gaiement le chevalier. J’arriverai une demi-heure trop tard… mais je ne puis résister au plaisir de vous donner les renseignements les plus complets sur ce petit jeune homme, à qui vous paraissez porter un si touchant intérêt…

Reinhold cligna de l’œil ; le nez grave de Mira eut des contorsions joyeuses ; Rodach s’inclina en souriant.

— Si j’avais cette coquine de lettre, poursuivit le chevalier en cherchant sous les fauteuils, — ce que je vais vous dire prendrait une apparence bien plus authentique… mais, pour le moment, il faut nous en passer… Figurez-vous que ce petit drôle a été, pendant plusieurs années, commis dans la maison de Geldberg.

— De la maison de Geldberg ! répéta Rodach avec tous les signes de l’étonnement.

— Gros comme le bras, cher monsieur !… Il était là, sous nos yeux ;