Aller au contenu

Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/498

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Peut-être, répondit Abel. — J’ai lieu de croire que meinherr Van-Praët serait disposé à nous traiter moins rigoureusement, s’il n’avait été poussé contre nous dans le temps par Yanos Georgyi et le patricien Nesmer lui-même… En définitive, son intérêt bien entendu ne serait point de faire tomber la maison… Je me rendrais bien auprès de lui de ma personne, mais, s’il faut dire toute la vérité, je crains de quitter Paris, et de laisser la maison entre les mains de ces deux hommes, qui l’ont déjà entraînée si près de sa ruine.

— Je conçois cela, dit Rodach très-sérieusement.

C’était le premier mot que l’on pût prendre pour un encouragement, et le jeune M. de Geldberg s’en trouva tout ragaillardi.

— Tandis que vous, monsieur le baron, reprit-il, je ne sais pas pourquoi je vous confierais tout ce que je possède au monde.

— C’est bien de l’honneur…

— Non pas !… Je suis doué, à ce qu’on dit, d’un esprit singulièrement pénétrant… je vous ai jugé tout de suite, et la rudesse même de votre franchise vous a gagné mon estime… Et puis vous êtes gentilhomme ; entre gentilshommes, on se comprend bien mieux et bien plus vite… Si ces misérables, que je suis forcé d’appeler mes associés, avaient une goutte de sang noble dans les veines…

Rodach eut la vertu de ne point sourire…

— Il me semble que M. le chevalier de Reinhold… commença-t-il.

Abel haussa les épaules avec pitié.

— Bourgeois, cher monsieur, répliqua-t-il, bourgeois depuis les cheveux de sa perruque jusqu’à la plante de ses pieds plats !… vous n’avez pas d’idée de ce que je souffre !… Mais, pour en revenir, il est certain que votre position vis-à-vis de nous vous rend excessivement fort… moi, d’un autre côté, je porte le nom auquel se rattache tout le crédit de la maison… Si une fois l’affaire Van-Praët est heureusement arrangée, je regarde la crise comme finie, et je crois que l’avenir est à nous… je vous parle avec une complète franchise ; veuillez me répondre de même. Ne pensez-vous pas que nous pourrions éliminer ces deux hommes, que nous méprisons également, et former à nous deux une association ?

— Si fait, répliqua le baron.