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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/50

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La suivante avait tout au plus seize ans. C’était une jolie fille simple et naïve, dont le regard crédule n’avait point ces sournoises espiègleries de nos vierges de France. La fraîcheur de son teint éblouissait. Sa physionomie était en ce moment pensive et comme effrayée. Cependant de temps à autre, un rire gai venait à l’improviste entr’ouvrir le corail ardent de ses lèvres, et montrer des dents plus blanches que la neige.

Mais ce rire durait peu. La jeune fille semblait éprouver du remords à être joyeuse ; — ses yeux se tournaient vers le lit clos, et son regard prenait une expression de respectueuse pitié.

Elle avait nom Gertraud.

Les quatre hommes, alignés autour du foyer, gardaient un silence grave, interrompu seulement par quelques paroles prononcées à demi-voix.

L’un d’eux, personnage long et maigre, à la figure pédante, à la tournure scolastique, se levait à de courts intervalles, et allait fourrer sa tête rase entre les rideaux du lit, d’où s’échappait alors une plainte douce et faible.

Il mélangeait ensemble, dans une tasse d’argent, le contenu de deux ou trois fioles, et passait ce breuvage derrière les rideaux.

Puis il revenait s’asseoir ; — et chaque fois qu’il reprenait ainsi sa place, le comte Gunther de Bluthaupt, assis sur un fauteuil d’honneur, à l’angle de la cheminée, découvrait sa tête blanche, et s’inclinait en signe de remerciment.