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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/528

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ble, ne trouvait pas plus grâce auprès d’elle que son mari lui-même. Elle s’était amusée durant quelques semaines à ses soupirs timides, suivis de témérités étourdies ; elle avait joué avec cet amour tout neuf, plein d’ignorance ardente et de passion naïve, puis elle s’était assise auprès de l’enfant sans défiance, qui avait le pied sur le bord de l’abîme. — La satiété venait ; au lieu d’arrêter Franz, elle s’était réjouie…

Elle s’était réjouie, même avant de savoir que Franz avait le secret qui pouvait la perdre !

Et si le pied de l’enfant n’eût point trébuché assez vite sur le bord du précipice, volontiers sa blanche main eût aidé au meurtre…

Mais maintenant que Franz était au fait de sa vie mystérieuse, maintenant qu’elle savait son nom, c’était une guerre déclarée ; vivant ou mort, elle le haïssait. Et si, par hasard, l’épée de Verdier ne faisait point son devoir, Franz avait désormais un ennemi mortel, plus acharné que les assassins de Bluthaupt eux-mêmes, et surtout plus dangereux.

Mais à cette heure, Petite n’avait garde de songer au pauvre Franz, qu’elle croyait mort, et bien mort.

Elle était de bonne humeur ; le souper de la veille, assaisonné à la fois par le danger qui pesait sur son amant et par la position d’Esther vis-à-vis de Julien lui laissait de jolis souvenirs.

Il y avait bien longtemps qu’elle ne s’était si complètement amusée.

M. de Laurens était d’ailleurs plus mal, et cette nuit toute de plaisir pour Petite, avait pesé sur lui autant qu’une longue année de souffrance.

Petite était de bonne humeur…

Et rien de ce qui était au-dedans d’elle n’apparaissait au dehors. À la voir, vous l’eussiez jugée comme la jugeait le monde, vive, spirituelle et fine, mais pleine de bontés gracieuses. À peine l’auriez-vous soupçonnée d’être coquette ; et encore, parlons-nous ici seulement de cette coquetterie décente et choisie, qui est un défaut quelquefois, souvent une vertu, et toujours une parure.

— En fait de dangers, reprit-elle, je ne connais que la peur… Quand on a peur, on est à demi-perdu, j’en conviens… mais aussi, pourquoi craindre ?… Dans notre situation, le soupçon est presque une impossi-