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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/558

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Vraiment, elle s’était attendrie ! Au réveil, entre deux bâillements elle avait secoué sa tête charmante, en disant :

— C’est dommage…

Mais, en certaines circonstances, un peu de regret n’exclut point beaucoup de contentement. Sara se sentait toute gaie ; Franz savait son secret, il était seul à le savoir, et il l’emportait dans la tombe.

Plus d’indiscrétion à craindre !…

Mais, maintenant, il se trouvait que cette tombe ouverte avait été creusée trop tôt. L’enfant n’était point mort ; contre toute attente, il avait évité le piège, et la menace était toujours suspendue au-dessus de la tête de Sara.

Menace terrible, car Franz savait bien des choses !

Le plus brave tressaille en sentant l’épée qui perce sa chair ; tout ce qu’on peut demander à la vaillance elle-même, c’est de se redresser aussitôt après le coup reçu.

Petite était une manière d’héroïne ; elle fit mieux que cela, et la blessure qui la poignait ne l’empêcha point de sourire.

Entraîner autrui sur la pente où elle se laissait glisser était un besoin de sa nature. En ce premier instant de dépit, elle ne raisonna point, sans doute, mais son instinct lui dit que la nouvelle annoncée par Mira n’était pas bonne à divulguer. Esther hésitait encore ; il ne fallait point lui fournir un motif d’hésiter davantage.

Esther n’était qu’une femme, faible d’esprit, dépourvue de principes protecteurs, et entraînée par l’élément sensuel qui dominait en elle. Petite la voulait pire que cela, elle prétendait la façonner à son image ; il lui semblait que la chute de sa sœur devait amoindrir sa propre chute, et qu’il ne lui resterait que la moitié de la honte partagée.

Ou plutôt, car il ne faut pas essayer d’expliquer ces exceptions qui repoussent ou qui effraient, elle plaidait la cause du mal par goût, par nécessité, par vocation ; elle se dévouait à nuire avec le zèle inspiré d’un démon, comme d’autres se dévouent à secourir et à prier.

Elle y prodiguait ses soins et son travail, et peut-être n’eût-elle point su se dire à elle-même pourquoi elle suivait sa tâche malfaisante avec une ardeur si âpre.