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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/579

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Lia voyait comme un rayonnement autour de son beau front.

C’en était fait ; cette image restait gravée au fond du cœur de la jeune fille, et ne devait plus s’en effacer désormais.

Un an se passa. Lia n’était plus une enfant. Elle aimait de plus en plus sa solitude chère, où elle s’entretenait avec ses souvenirs.

On ne la voyait plus guère sourire ; et parfois, quand elle s’agenouillait, pieuse, devant l’autel de la paroisse rustique, une larme était dans ses yeux.

Elle priait pour lui, pour lui dont elle ne savait point le nom, pour lui qui était depuis un an son unique pensée.

Elle l’appelait, elle lui donnait sa vie.

Il y avait, à un quart de lieue du village, et tout près de la maison de madame Muller, une petite ferme habitée par un brave homme, établi dans ces environs depuis peu d’années, et qui se nommait Gottlieb.

Ce Gottlieb avait occupé autrefois, dit-on, une bonne charge au château des anciens comtes de Bluthaupt.

Il était pauvre, et bien des fois Lia avait secouru sa femme malade et ses enfants demi-nus.

Un jour que la jeune fille entrait à la ferme, elle vit un homme s’esquiver par la porte de derrière.

D’un coup d’œil elle avait reconnu son libérateur.

Elle interrogea, mais personne ne voulut répondre. Pour cette chose seulement, on se méfiait d’elle. On lui soutint qu’elle s’était trompée, et qu’il n’y avait personne dans la maison.

Lia n’avait vu qu’une seule fois son sauveur, mais elle avait pensé à lui tous les jours et toutes les heures de chaque jour, depuis plus d’une année. Elle savait qu’elle ne pouvait point se tromper.

Dans un pays que nulles dissensions civiles n’agitent, un homme poursuivi par des soldats ne peut être qu’un malfaiteur ; mais en Allemagne, ou règne une sorte de conspiration permanente, la première idée qui vient à l’esprit est celle de la proscription politique.

Comment d’ailleurs cet étranger si bon, si beau, si généreux, pouvait-il être un criminel ? cette pensée ne vint même pas à la jeune fille ; il se cachait, donc il était proscrit : un danger le menaçait ; il fallait veiller sur lui.