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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/587

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Elle le prit par la main et l’entraîna vers la porte par où elle s’était introduite elle-même.

— Venez avec moi, dit-elle ; cette chambre va être pleine dans quelques minutes, et les gens qui vont s’y rassembler connaissent tous l’Allemagne.

Elle attira Rodach et le fit traverser les salles du rez-de-chaussée, que le départ des commis laissait vides. Elle l’introduisit dans le pavillon de gauche où nous l’avons vue naguère, occupée à relire les lettres du prisonnier.

Elle ferma la porte à clef, et vint s’asseoir auprès de Rodach sur une causeuse.

Elle lui prit les mains ; son regard caressant le parcourait des pieds à la tête ; sa joie débordait, naïve ; elle ne songeait point comme ses sœurs à lui demander le motif de sa présence : elle ne songeait à rien qu’à se rassassier de sa vue chère, à l’admirer et à l’aimer.

Ils étaient assis tous les deux vis-à-vis de la fenêtre auprès du piano de Lia, où se mêlaient éparses quelques mélodies d’Allemagne. La configuration de la pièce était en tout semblable à celle du petit salon où nous avons assisté à l’entretien d’Esther et de Sara. Les ornements seuls différaient. Lia de Geldberg avait décoré suivant son goût sa retraite favorite. Il y avait là comme un parfum de grâce, comme un charme latent où se révélait le sanctuaire de la jeune fille. C’était un cadre charmant pour une délicieuse figure.

Dans un coin, l’étagère sculptée supportait les livres aimés ; non loin du piano, un petit secrétaire, où la nacre et le bois de rose mariaient leurs incrustations délicates, se couvrait de papiers et de lettres inachevées ; devant la fenêtre qui regardait le jardin, une table inclinée soutenait l’album ouvert, où les derniers rayons du jour éclairaient l’ébauche d’une aquarelle :

Un site d’Allemagne ; de vieux arbres le long d’un sentier montueux ; un cavalier et une jeune fille assis sur le bord du chemin et deux chevaux attachés par la bride au tronc fier d’un grand mélèze. — Un souvenir…

Puis c’étaient la broderie commencée ; les belles fleurs d’hiver aux tièdes parfums ; tout ce qui peut charmer la solitude d’une jeune fille.