Aller au contenu

Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/595

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À deux ou trois reprises durant le repas, ses lèvres remuèrent : on eût dit qu’il allait parler, mais il n’en fut rien, et c’est à peine si Petite, qui s’asseyait auprès de lui, put saisir un son imperceptible qui tombait de sa bouche.

Ce n’était pas faute de bon vouloir ; elle tendait l’oreille de son mieux et son oreille était fine.

Une fois elle crut entendre ces mots murmurés confusment.

— Je l’ai vu… je l’ai vu !…

Ce fut tout.

Après le dîner, au moment où l’on entrait au salon, le vieux M. de Geldberg fit signe au chevalier et au docteur d’approcher. Ils obéirent tous les deux.

Moïse les fit asseoir auprès de lui, de manière à ce que leurs sièges touchassent le sien ; son regard inquiet tourna autour du salon, pour voir si personne n’était à portée d’entendre. Il prit cet air important et mystérieux de l’homme qui va dire un grand secret.

Reinhold et le docteur attendaient.

La scène resta muette durant une ou deux minutes.

— Non, non ! balbutia enfin Mosès, dont l’œil se baissa ; pourquoi la tombe s’ouvrirait-elle ?… mon esprit devient faible… je suis trop vieux !

Il se tut.

Les deux associés attendirent encore durant une minute, puis Reinhold prit la parole…

— Mon digne ami, dit-il bien doucement et avec un respect affectueux, — vous nous avez appelés… vous avez une communication à nous faire ?

Le vieillard les regarda tour à tour, et secoua la tête vivement.

— Non, non, répliqua-t-il, que pourrais-je avoir à vous dire ?… le passé est bien loin ; je ne m’en souviens plus… faites que Lia vienne avec son livre s’asseoir auprès de moi.

Il les éloigna d’un geste plein de fatigue.

L’instant d’après, Lia commençait à haute voix la lecture de chaque soir.

La table de tric-trac était dressée ; mais, au lieu de s’asseoir à leur