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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/602

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fange. Un autre bond la porta dans une allée obscure, où l’air se chargeait d’humidité. L’allée de Hans Dorn, que nous avons peinte si misérable, était un royal corridor auprès de ce boyau, noir et glissant.

Petite, avant de s’y engager, se retourna vers son cocher.

— Allez m’attendre là-bas ! dit-elle.

Le cocher remonta sur son siège et partit. Il venait souvent en ce lieu, et le mot là-bas voulait dire pour lui le coin de la rue Phélipeaux.

Petite fit quelques pas en relevant sa robe, comme si elle eût été dans la rue. Il régnait autour d’elle une obscurité presque complète ; mais elle savait son chemin. Son pied mignon heurta bientôt la dernière marche d’un escalier tournant, qui était le digne voisin de l’allée.

Elle prit sans trop de dégoût une corde grasse qui remplaçait le bec de gaz, et commença intrépidement à gravir les degrés hauts et roides de l’escalier.

Elle ne s’arrêta qu’au troisième étage.

Ici, le luxe commençait. Il y avait, vraiment, un paillasson pour s’essuyer les pieds, et la main de Petite, qui savait les êtres, trouva dans l’ombre un beau gland de laine terminant le cordon d’une sonnette.

Elle sonna. Derrière la porte, on entendait une conversation bruyante, mêlée d’éclats de rire.

Au retentissement de la sonnette, un bruit de savates se fit à l’intérieur ; la porte s’ouvrit et montra une vieille femme, coiffée d’un mouchoir à carreaux et tenant à la main un bougeoir de cuivre, qu’elle levait au-dessus de sa tête pour examiner la nouvelle arrivante.

Cette bonne femme avait une redoutable figure de portière, de gros sourcils sur des yeux rouges, un nez crochu, des moustaches, une bouche rentrée, un menton menaçant.

Sara la salua d’un sourire amical.

— Bonjour madame Huffé, dit-elle.

Madame Huffé fit une révérence étudiée, et prit un air civil qui mit encore plus de grotesque sur son visage.

— J’ai bien l’honneur de vous saluer, madame, dit-elle.

— Madame Batailleur est-elle à la maison ? reprit Petite.