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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/695

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de ce qu’il allait faire lui revint, et il se pencha au-dessus du lit pour têter la robe de l’aïeule.

Victoire s’agita faiblement dans son sommeil, et sa poitrine courbée rendit un soupir.

Jean recula épouvanté.

— Mon Dieu ! murmura-t-il en pressant son cœur à deux mains, — comme je tremble !… est-ce donc un crime que je vais commettre !…

Il baissa la tête et resta un instant immobile.

Puis il reprit, comme pour se forcer à oser :

— Il le faut !… elles souffrent trop !… Il n’y a que moi au monde pour les secourir !…

Il fit un pas en avant, mais il se ravisa tout à coup et tourna la tête vivement vers le coin le plus obscur de la chambre.

— Geignolet… pensa-t-il.

Au lieu de s’approcher du lit, il traversa la pièce et gagna l’angle où l’idiot dormait d’ordinaire.

Il n’y avait personne sur le maigre matelas qui lui servait de couche.

— Geignolet n’est pas là ! pensa Jean ; elles dorment toutes deux !… mon Dieu, est-ce vous qui m’ouvrez cette voie, et vais-je les sauver !…

En ces moments d’émotion profonde, l’âme, plus naïve, cherche partout des augures. Jean se disait que le Ciel aplanissait les obstacles au-devant de lui, et il prenait espoir.

Il revint vers le grabat, et chercha de nouveau dans les plis de la robe de l’aïeule la poche où devait se trouver la petite bourse de Gertraud.

Quoique son intention fût pure et bonne, sa main tremblait toujours. Ceux, qui l’eussent aperçu en ce moment, l’auraient pris pour un malfaiteur.

Son émotion le rendait maladroit ; il chercha longtemps. Pendant qu’il cherchait, le moindre mouvement de sa mère ou de son aïeule mettait le comble à son trouble et lui donnait envie de fuir.

Malgré ses précautions infinies, la vieille femme sentait en quelque sorte sa présence, car elle commençait à s’agiter et ses lèvres remuaient.

Le joueur d’orgue épiait ces signes d’un prochain réveil et il se hâtait ;