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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/719

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fait par ma concierge, nous saurions parfaitement le nom de celui-là… et vous le connaîtriez mieux encore que moi, petite sœur.

Gertraud n’en était que plus intriguée.

— Costume et tournure, continua Franz, tout se rapporte complètement à l’homme dont je vous parle… c’est son âge… il n’y a pas jusqu’à son léger accent allemand !… Quant à sa figure, on m’a dit qu’il avait l’air de l’honnêteté en personne, et de plus en plus j’ai cru reconnaître votre père, Gertraud.

— Mon père ! s’écria la jeune fille stupéfaite.

Ce mot arrachait Gertraud aux espaces fantastiques où son imagination allemande galopait naguère ; le nom de son père la ramenait en pleine réalité.

Son premier mouvement fut la surprise, parce que l’idée de son père était en elle à cent lieues de ces autres idées capricieuses et bizarres éveillées par le récit de Franz. Elle éprouvait un sentiment analogue à celui d’un enfant qui tomberait à l’improviste sur un nom ami et réel, au milieu des pages merveilleuses des Mille et une Nuits.

Mais, au plus fort de sa surprise, elle se souvint de ce qui s’était passé dans la matinée. Ce personnage étrange, que Franz appelait le cavalier allemand, son père le connaissait, son père l’aimait, son père semblait le respecter comme un maître.

Sa physionomie, habituée à ne rien dissimuler, changea, et ce changement n’échappa point à Franz qui la regardait toujours fixement.

— Je vous en prie, murmura-t-il ; répondez-moi, Gertraud. Pensez-vous que ce puisse être votre père ?

La jeune fille ouvrit la bouche pour répliquer affirmativement, mais au moment où elle allait parler, elle eut comme un scrupule.

Son père avait peut-être intérêt à se cacher ainsi ; ou plutôt il ne pouvait en être autrement, puisqu’il s’enveloppait d’un si grand mystère.

Gertraud avait surpris ce secret sans le vouloir et par hasard ; mais la conduite que Hans Dorn avait tenue vis-à-vis de Franz, dans la matinée, semblait tracer impérieusement la conduite qu’elle devait tenir à son tour.

Son père n’avait point parlé. Devant les questions de Franz, il s’était