Aller au contenu

Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/725

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

armes… Enfin Gertraud, hier je ne désespérais pas, et combien ma position est changée depuis hier !… En somme, ai-je un rival sérieux ?

— Monsieur le chevalier de Reinhold…

— Une charge vivante !… une vieille coquette mâle !

— Il est riche, mon pauvre monsieur Franz… il est noble !

— Eh bien ! et moi ?…

Gertraud secoua lentement sa jolie tête.

— On ne sait pas encore… murmura-t-elle.

Franz frappa du pied avec un dépit d’enfant.

— Vous êtes méchante ! dit-il.

Le sourire ami de Gertraud démentait complètement cette parole.

— Oh ! monsieur Franz, répliqua-t-elle, je vous promets que je vous aime bien tous les deux, vous et mademoiselle Denise… mais j’ai peur.

— Peur de quoi ! s’écria Franz en parlant avec autant de feu que si Gertraud eût été l’arbitre de cette cause ; — combien de temps me faut-il désormais pour connaître ma famille ?… De gré ou de force, je vous donne ma parole, avant qu’il soit un mois je saurai le nom de mon père… et ce nom, j’en suis sûr, vaut bien celui du chevalier Reinhold… Quant à la fortune, ce qui se passe me semble annoncer qu’elle est grande… et puis je ne suis pas absolument sans protection auprès de la vicomtesse ; son fils est mon ami.

— Comptez-vous sur lui ? demanda Gertraud.

Franz hésita longtemps avant de répondre.

— Pas à présent, dit-il enfin ; mais quand je pourrai prouver…

— Quand vous pourrez prouver, interrompit la jeune fille, vous n’aurez plus besoin de l’aide de M. le vicomte d’Audemer… D’ici là qui sait ?…

— Gertraud ! Gertraud !… interrompit Franz à son tour, vous voulez donc me désespérer !…

— Je veux vous prémunir.

— Mais n’ai-je pas l’appui de Denise elle-même ? Je la verrai.

— Monsieur Franz, dit Gertraud, qui ne put défendre sa voix contre un léger accent de raillerie, — le trottoir qui passe devant l’hôtel d’Audemer est un lieu de rendez-vous bien chanceux ?…