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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/734

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chambre voisine lui coupa la parole. Au moins ne voulait-elle point mentir.

Denise lui prit la main. Cette réticence l’avait alarmée plus que tout le reste.

— Ma bonne petite Gertraud, dit-elle avec prière, je sais bien que tu m’aimes… C’est ton amitié qui te pousse à me dissimuler la vérité en ce moment… Mais parle, je t’en supplie !… Si tu savais tout ce que tu me fais craindre !

— Mon Dieu ! mon Dieu !… murmura la pauvre Gertraud, qui avait pourtant un sourire sous son air de grande détresse.

Un tiers, entrant à l’improviste et non initié au secret de la situation, n’aurait rien compris à ce qui se passait entre ces deux charmantes filles. Les yeux de Denise restaient secs, mais un voile de pâleur était sur son visage, dont l’expression devenait à chaque instant plus douloureuse. Gertraud, au contraire, avait aux joues, au front et jusqu’à la gorge un vermillon vif ; ses yeux baissés semblaient prêts à pleurer ; mais par-dessus la longue frange de ses cils, elle lançait des regards sournois vers la porte de Hans, et derrière cette larme qui était au seuil de sa paupière, on voyait poindre son espiègle sourire.

Elle hésita encore durant quelques secondes, puis Franz ayant fait un mouvement plus bruyant dans sa cachette, elle releva tout à coup la tête d’un air mutin.

— Eh bien ! tant pis, s’écria-t-elle ; j’aime mieux tout vous dire que de vous laisser dans l’inquiétude… si vous vous fâchez, c’est moi qui aurai du chagrin, et cela vaut mieux.

Elle se tourna encore vers la porte de son père, mais cette fois tête haute et les yeux grands ouverts.

— Il est là, dit-elle en rassemblant tout son courage.

Un incarnat fugitif vint colorer la joue de mademoiselle d’Audemer. Gertraud s’attendait à des reproches ; Denise se leva et lui dit doucement :

— Je veux le voir.

Gertraud l’eût embrassée pour ce mot qui lui mit du baume dans le cœur.