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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/750

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— Dites-moi bien vite ce que vous voulez, Jean, murmura Gertraud ; je suis pressée.

Le joueur d’orgue eut grande envie de s’en aller, et, pour le retenir, il fallut la pensée de sa vieille mère.

— Est-ce que M. Dorn est rentré ? demanda-t-il bien bas et les yeux à terre.

Gertraud rougit. Elle hésita. Il lui semblait que le murmure de la conversation des deux amants devait arriver jusqu’aux oreilles de Jean.

Pour expliquer le son de ces voix, il lui eût suffi de dire que son père était de retour ; mais elle ne savait point mentir.

— Non, répondit-elle.

La figure de Jean s’éclaira.

— Alors tout n’est pas perdu, s’écria-t-il ; ma bonne demoiselle Gertraud, mon espoir est en vous… voulez-vous me prêter, jusqu’à demain, un pantalon, un gilet et un habit de Monsieur ?

— Pourquoi faire ? demanda Gertraud étonnée.

Jean ne répondit point.

Gertraud songea qu’on était au lundi gras.

— Voudriez-vous donc aller au bal ! demanda-t-elle encore avec une surprise croissante.

Jean releva sur elle des yeux tristes et humides.

— Au bal !… répéta-t-il.

Il y avait dans ce mot tant de reproches douloureux, que Gertraud eut comme un remords.

— Jean, mon pauvre Jean, dit-elle en lui prenant les mains, je suis folle !… Mais aussi que voulez-vous faire d’un habit de Monsieur à cette heure de la nuit ?

Jean secoua la tête, et sa paupière se baissa de nouveau.

— J’aurais mieux aimé que vous ne m’interrogiez pas, mamzelle Gertraud, répliqua-t-il, car vous me direz peut-être que j’ai tort… Mais je n’ai rien à vous cacher, vous le savez bien, et si vous voulez bien m’écouter, je vais tout vous apprendre…

Les yeux de Gertraud étaient pleins de curiosité.

Mais il se fit en ce moment, dans la chambre de Hans Dorn, un bruit