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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/78

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Le docteur revint au bout de quelques secondes.

— Nul ne peut faire le compte exact, — prononça-t-il d’un ton de professeur, — des ressources que la nature trouve en elle-même dans ces moments de crise… Je doute que le sujet ait la force de supporter les souffrances de l’accouchement… son état de prostration me semble satisfaisant… mais, en définitive, comme je me faisais l’honneur de vous le dire, on ne peut pas savoir au juste.

— Mais il y a des drogues… insinua Zachœus.

— Il faut garder en tout une sage mesure, répliqua le docteur. Telle dose amène le dénoûment sans secousse et d’une façon décente… telle autre dose pourrait laisser des traces déplorables !

— Mais, si elle accouche, demanda Van-Praët, — quand accouchera-t-elle ?

Le docteur mit ses deux longs pieds sur les chenets.

— Cela peut durer plusieurs jours, répondit-il ; — cela peut venir dans une heure… La science n’a point de réponse précise à de certaines questions.

— Et d’ailleurs, ajouta Van-Praët, avec un gros rire, — qui sait si les enfants du diable ne restent pas onze mois dans le sein de leur mère ?…

Hans et Gertraud étaient trop éloignés pour entendre un seul mot de cette conversation.

Hans était absorbé dans une profonde rêverie. On eût dit que son esprit allait au delà de la lettre du récit de Gertraud, et trouvait à ses paroles un sens mystérieux qui dépassait l’intelligence de la jeune fille.

— Avez-vous vu les figures de ces trois hommes, Trudchen ? demanda-t-il après un silence.

— Je n’ai vu qu’un seul visage, répondit celle-ci : — Les beaux traits d’un adolescent, rêveurs et doux.

Hans réfléchit encore pendant quelques secondes.

— Et le lendemain, reprit-il ensuite, — que se passa-t-il au schloss ?

Gertraud se recueillit un instant, puis elle répondit :

— Le lendemain, on chercha partout l’hôte de Bluthaupt… toutes les portes du château étaient soigneusement fermées, et pourtant l’étranger avait disparu.