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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/795

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mentés par sa main, s’ébouriffaient autour de son front. À mesure que son gain grossissait, la fièvre montait plus chaude à son cerveau : il ne se possédait plus.

Deux billets de banque étaient venus se joindre aux pièces d’or, il avait bien à peu près quatre mille francs devant lui.

Polyte se pencha par derrière son oreille.

— Tu as crânement travaillé, mon petit, murmura-t-il ; mais faut pas s’emporter !… Voilà minuit qui sonne… Nous sommes déjà à demain… Ça fait que tu n’en es plus à ton premier jour de pousser la carte, et que la veine pourrait bien changer…

Jean haussa les épaules avec impatience.

— Excusez ! grommela Polyte ; on fait sa tête à ce qu’il paraît !… puisque tu n’as plus besoin de moi, mon bon, je file… débrouille-toi !

Polyte abandonna son poste et s’en alla donner un coup d’œil à la porte du trente et quarante. Chaque fois que son regard rencontrait Batailleur, rouge, dodue, fleurie, allumée, il se sentait heureux et fier du rang qu’il occupait dans le monde.

Franz tenait la banque en ce moment et passait avec un remarquable bonheur ; sa mise, forte dès le principe, et doublée de partie en partie, arrivait à former une véritable somme. Pour lui faire tête, les joueurs étaient obligés de se cotiser d’un bout à l’autre de la table ; il y en avait pour tout le monde, et les derniers étaient admis à perdre leur argent tout comme les premiers.

En face de cette banque, si heureuse, la fortune de Jean ne pâlissait point encore ; il ne gagnait plus, mais il perdait à peine, risquant çà et là quelques louis.

— Il y a mille francs à faire, dit Franz.

Les perdants étaient quelque peu rebutés ; on eut de la peine à compléter la somme. Franz gagna encore.

— Deux mille francs ! dit-il gaiement en prenant une nouvelle poignée de cartes dans l’immense paquet servant à la banque.

Après bien des hésitations, les deux mille francs se trouvèrent. Franz gagna encore.

— Quatre mille francs ! s’écria-t-il.