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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/82

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Le nom de Gertraud sortit une dernière fois de l’alcôve, comme un mourant écho.

— Encore ! s’écria Gunther en frappant du pied. — Pardonnez-lui, docteur, elle est bien jeune… Allons, Gretchen, ma femme, obéissez à votre bon mari et tenez-vous en repos !… Cette Gertraud est partie… elle est morte… que sais-je ?… Si vous voulez ne plus l’appeler, je vous donnerai une bague en rubis de dix mille florins, madame la comtesse.

La crise était passée ; les rideaux du lit ne bougeaient plus, et Margarethe gardait le silence.

Le vieillard frôla l’une contre l’autre ses mains osseuses avec un rire innocent.

— Étes-vous content, docteur ? dit-il.

— Un mot de notre glorieux seigneur, répondit le Portugais, suffit à dompter la douleur elle-même.

— Je fais de Gretchen tout ce que je veux, reprit le vieillard ; — elle m’aime tant !… Mais, pour ma récompense, docteur, il faut me donner une goutte de breuvage.

Mira consulta la pendule.

— Je suis heureux de pouvoir satisfaire monsieur le comte, dit-il, — la demi heure est passée.

Il versa la dose ordinaire dans le gobelet d’or, et le comte but avidement.

— Merci, dit-il ; — Dieu vous récompensera…

Gertraud, triste et accablée, venait de se rasseoir auprès du page, qui avait suivi avec un muet étonnement les mouvements du docteur.

Le visage de Hans exprimait un doute inquiet.

— Est-ce la première fois qu’on vous empêche d’approcher notre maîtresse ? demanda-t-il.

— C’est la seconde, répliqua Gertraud. — Vers la chute du jour, la comtesse a prononcé mon nom, et comme je me rendais à son appel, cet homme s’est encore mis au-devant de moi.

— Savez-vous quel est son motif ?

— Oui, répondit Gertraud ; — ce matin, il a vu la comtesse me glisser une lettre et une clef… Au moment où je quittais la chambre avec