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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/840

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n’ont point parlé… Jusque-là, on n’avait pas grande raison de se défier de lui ; mais le bon Dieu met, bien sûr, quelque chose sur le visage des traîtres… personne ne l’aime, et quand il attache sur vous ses yeux sournois, la parole confiante s’arrête dans le gosier.

— Les autres m’ont reconnu ? demanda encore Rodach.

— Tous, gracieux seigneur, jusqu’au courrier Fritz, le pauvre malheureux !

— Et vous allez les retrouver sur le Carreau ?

— Ils y viennent chaque jour.

Rodach se dirigea vers la porte.

— Eh ! bien, ami Dorn, dit-il, soyez marchand aujourd’hui encore… Trompez les soupçons de ce Johann et assurez-vous de l’aide des autres tenanciers de Bluthaupt.

— Ce sont de braves cœurs ! répliqua Dorn, et je répondrais d’eux comme de moi-même.

— Prévenez-les ; il faut qu’ils soient prêts à tout quitter au premier signal, pour se rendre dans le Wurzbourg.

— Ils seront prêts.

Le baron et son compagnon passèrent par la chambre de Gertraud. La petite brodeuse vint, suivant son habitude, demander un baiser à son père, qui ne vit point une larme trembler sous ses paupières baissées.

Gertraud attendait toujours le pauvre Jean, qui n’arrivait pas. Et les trois hommes noirs, à la mine sinistre, venaient de disparaître enfin dans l’escalier étroit de la vieille mère Regnault.

Qu’allait-il se passer ?…

Rodach et le marchand d’habits traversèrent la cour, déserte maintenant.

— J’avais autre chose encore à vous dire, poursuivit le baron ; mais je vous reverrai dans la journée. Ce qu’il me faut à présent, c’est de l’argent… beaucoup d’argent !…

Hans s’arrêta.

— J’ai ramassé une bonne somme, pièce à pièce, répliqua-t-il, depuis que je suis à Paris… c’est la dot de ma Gertraud… Mais Bluthaupt avant tout, gracieux seigneur ! la dot de ma Gertraud vous appartient.