Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/846

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que J’ai besoin de l’entretenir encore… Prenez ceci, ajouta-t-il en tirant une bagne de son doigt, et que je sache ce qu’il en veut donner.

La Galifarde, obéissante, disparut avec la bague par la porte du magasin. Rodach crut ouïr un murmure confus derrière la cloison, quelques paroles rapidement échangées, pub le guichet se rouvrit.

La main jaunie tenait la bague et la pesait attentivement.

— Je donne de cela trois louis, dit l’usurier après une grande minute d’examen.

Le son de cette voix frappa vivement Rodach, et pendant quelques instants, il chercha en vain où il l’avait entendue.

Au moment où il allait renoncer et répondre à l’offre de l’usurier, sa mémoire s’éclaira tout à coup. Cette voix, il l’avait entendue dans la matinée au coin de la rue d’Anjou, derrière les rideaux baissés d’une citadine, tandis qu’il poursuivait le petit vieillard de l’hôtel de Geldberg, évanoui comme par enchantement.

C’était bien ce même timbre cassé, faible, chevrotant qu’il avait pris pour la voix d’une vieille femme.

Il s’expliquait maintenant la disparition subite du bonhomme à la houppelande. Mais cette pensée glissa dans son esprit ; il avait vraiment bien autre chose en tête.

Son front incliné se redressa ; un sourire fier courut autour de ses lèvres. Sa main, rapidement glissée sous le revers de sa redingote, tira d’un portefeuille une étroite bande de papier, couverte d’écritures et de timbres divers.

C’était une traite de cent trente mille francs, échue et protestée sur Geldberg, Reinhold et Compagnie.

Rodach arracha la bague des mains de l’usurier et mit la traite sur le comptoir, en disant :

— Mon digne Monsieur, laissons ces bagatelles… Vous convient-il de m’escompter cela ?

La tête d’Araby, couverte toujours de sa fourrure, sortit à moitié du guichet pour examiner le papier qu’on lui montrait à distance. Pendant qu’il regardait, la casquette antique et la grande visière avaient des fré-