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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/91

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et chacun repoussa le mets qui était devant lui, comme si les viandes eussent été empoisonnées…

Les aides de cuisine revenaient, les mains vides, de la chambre de la comtesse et de l’appartement de Zachœus.

— Que font-ils là-haut ? demanda Johann.

— Le comte dort, répondit l’un des enfants, et la noble Margarethe crie derrière ses rideaux.

— Chez l’intendant, répondit un autre, les étrangers chantent et rient tant qu’ils peuvent.

— Quand les chrétiens sont menacés de mal, murmura le laboureur Hermann, — c’est un jour de fête pour les damnés !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Il ne manquait à la fête que le docteur José Mira, forcé par sa charge de rester auprès de la comtesse.

Les cinq autres associés étaient rangés autour d’une table copieusement servie. — De hautes piles d’assiettes se dressaient aux deux extrémités.

Il y avait à terre une longue réserve de cruches et de bouteilles pleines. Il était évident qu’on voulait se passer, pour cause, de laquais et d’échansons.

Zachœus Nesmer venait de se lever et d’aller fermer à double tour la porte de la chambre voisine.

— Nous avons ici liberté tout entière, dit-il en se rasseyant ; — mettez-vous à l’aise, mes bons camarades, comme si vous étiez à cent lieues de Bluthaupt !

— Et buvons ! s’écria Regnault.

Le Hollandais lui tendit la main par-dessus la table, tant il trouva le mot spirituel.

L’amphitryon Nesmer était assis entre Mosès Geld et Regnault ; de l’autre côté de la table, Van-Praët, qui était aussi de la maison, avait à ses côtés le madgyar Yanos.

— Eh bien ! très-chers, dit Regnault après le potage, tout me semble marcher admirablement… Sans cette grossesse, qui nous a fait d’abord si grande peur, nous aurions pu attendre des années… tandis qu’à présent nous sommes forcés d’en finir.