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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/118

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Les autres, à l’exception de Petite, étaient aussi peureux que corrompus.

Ils jouaient des rôles, les uns bien, les autres médiocrement ; mais aucun d’eux n’allait à la cheville de la comédienne consommée.

Le docteur avait eu raison de se cacher et de fuir ; il était, sans contredit, le plus fort des trois associés, mais les trois associés réunis, en leur adjoignant même le farouche Madgyar et l’insinuant Fabricius, n’auraient point été de force contre Sara toute seule.

Elle se taisait maintenant ; son beau sein agitait l’étoffe de sa robe ; elle semblait attendre la réponse de Mira.

Mira ne desserrait pas les dents.

— Comme cela, reprit Van-Praët avec sa douceur inaltérable, nous voici arrangés fort symétriquement : trois contre trois… la cause de notre chère Sara me paraît jugée… elle a raison, cent fois raison… À votre tour, noble Yanos !

— J’ai déjà parlé, répliqua celui-ci, et je n’aime pas à parler deux fois… Mon histoire est d’ailleurs celle de la fille de Mosès Geld… Un homme que je connaissais déjà de nom, est venu vers moi de la part de Regnault.

— Reinhold… murmura le chevalier.

— Reinhold ou Regnault, répliqua Yanos durement, c’est le nom d’un infâme coquin !… qu’on ne m’interrompe plus ! Cet envoyé s’est servi auprès de moi de moyens dont il ne me plaît pas d’expliquer la nature…

Sa voix trembla légèrement, comme il prononçait ces paroles, et son front s’empourpra davantage.

Il enfonça son Kalpack sur les mèches épaisses de ses cheveux, et reprit en relevant la tête :

— Peu importent les détails !… ces traites étaient à Paris chez mon homme d’affaires, et aujourd’hui même, en cas de non-paiement, on devait commencer les poursuites… Votre envoyé, Monsieur Regnault, est parvenu à m’extorquer un blanc-seing dont il s’est servi pour retirer les traites des mains de mon agent… et quand je suis arrivé à Paris suivant de près les traces de l’escroc, il était trop tard !