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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/120

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Il prit à la main un de ses pistolets.

Reinhold, saisi d’un tremblement impossible à réprimer, se cacha derrière le fauteuil de Petite.

Le conciliant Van-Praët s’interposa encore une fois.

— La paix ! dit-il, la paix ! Nous sommes à Paris, mon cher camarade, et, à Paris, on n’a pas besoin d’armes à feu pour se faire rendre justice.

— J’aime à ne compter que sur moi, répondit le Madgyar ; que cet homme parle sur-le-champ, ou je lui casse la tête !…

Il avait armé un de ses pistolets, et son regard disait que sa menace n’était point vaine.

Avec lui, on ne pouvait compter ni sur la prudence ni sur la crainte. Quel que fût le danger à courir, ce qu’il voulait faire, il le faisait.

L’excès du péril délia la langue du chevalier. Au moment où il vit le Madgyar repousser rudement Van-Praët, qui tâchait encore de le contenir, il se souleva sur ses jarrets chancelants.

Son regard épouvanté fit le tour de la chambre, cherchant un aide ou un asile.

Mais il n’y avait point de secours à espérer : Abel de Geldberg, pâle et immobile, crispait ses doigts sur les bras de son fauteuil ; Mira tenait toujours ses yeux baissés ; il ne voyait même pas la menace suspendue au-dessus de la tête du chevalier.

Quant à madame de Laurens, elle s’était renversée, nonchalante et gracieuse, sur le dossier de son siège ; elle attachait sur le Madgyar un regard où il y avait de la curiosité et cet effroi mêlé de charme qui prend les spectateurs d’un drame, au moment où l’acteur en scène court un grand danger imaginaire, où il y avait peut-être encore autre chose, car la figure du Madgyar était en ce moment magnifique de colère sauvage et d’orgueil indompté.

— Sur mon honneur ! balbutia Reinhold d’une voix étouffée, je n’ai pas reçu vos traites, seigneur Yanos…

— Tu mens ! s’écria celui-ci, qui leva son pistolet.

Petite fit un geste de la main ; ce n’était pas une prière en faveur du chevalier, c’était seulement un signe indiquant qu’elle voulait prendre la parole.