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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/140

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dairement aux épiciers ce qui se fait dans le grand monde, en avaient parlé deux fois chacun dans leur feuilleton.

Le turf faisait trêve ; on laissait le sport tranquille, et au lieu de barbarismes anglais, les lions du boulevard essayaient de baragouiner des barbarismes allemands.

Une fois le premier pas fait, Paris s’engoue, Dieu sait comme ! Geldberg faisait fureur ; des récits miraculeux couraient depuis les plus nobles salons jusqu’à la modeste arrière-boutique.

Le bon goût était de savoir ; il n’était pas permis d’ignorer, et quiconque eût paru n’être point au fait aurait passé sur le champ pour un sauvage ou pour un habitant du quartier Mouffetard.

Si Grimm eût existé à cette époque, vous eussiez eu certainement une de ces lettres fines et charmantes dont l’apparition est une bonne fortune pour les lecteurs élégants ; mais Grimm ne devait ressusciter qu’à la fin de 1845…

Et vraiment c’était un beau sujet de causerie ! Paris s’est ému souvent pour beaucoup moins, et il y avait dans cette fête des profusions royales dignes d’exciter la surprise de notre âge économe.

Nous ne citerons qu’un fait : la maison avait envoyé des invitations nombreuses à l’élite de la société parisienne : c’était, on s’en souvient, des actionnaires de choix qu’il lui fallait ; sur la liste on ne voyait que ducs, marquis, généraux, pairs de France ; les petits vicomtes n’étaient que pur fretin.

Quelques-uns avaient refusé, mais beaucoup avaient accepté. Au jour dit, des chaises de poste, envoyées par la maison elle-même, s’étaient présentées devant l’hôtel de chaque invité. Ces chaises de poste, voyez l’excès de délicate courtoisie ! étaient toutes timbrées aux armes des familles qui devaient ne les occuper qu’un jour.

Sur la route, en France et en Allemagne, toutes les auberges avaient été retenues ; partout, de riches repas, préparés par les illustrations culinaires de la capitale, attendaient le passage des nobles voyageurs.

Encore une fois, c’était royal, et les gens qui se conduisent ainsi, financiers ou non, méritent bien le bruit qu’on lait autour de leurs largesses.

Aussi le succès était-il complet, les femmes portaient des chapeaux à la Geldberg ; les hommes se boutonnaient dans des twines à la Geldberg.