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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/145

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Il prit les petits paquets l’un après l’autre, et les déposa au fond du trou avec précaution, comme s’il eût craint de leur faire éprouver un choc ; une fois le dernier paquet enfoui, le vieillard s’agenouilla, et mit sa tête chenue au niveau du trou.

— Oh !… oh !… fit-il en un gémissement, si je ne vous retrouvais pas…

Il fit un signe de tête caressant, et envoya de la main un dernier baiser à son trésor.

En deux ou trois minutes, le trou fut entièrement comblé, à l’aide de la terre réservée pour cet objet. Le vieillard y allait maintenant résolument, et avec une sorte de fièvre.

Les carreaux reprirent place à leur tour ; l’œil le plus curieux et le plus exercé n’eût point découvert facilement la trace de l’opération pratiquée.

Araby saupoudra de poussière tout le tour de la caisse, et regagna son vieux fauteuil de cuir, sans se donner la peine de fermer le coffre-fort, vide maintenant.

Quand il s’assit devant son petit comptoir, dont la demi-lune était close, de grosses larmes coulèrent le long des rides de son visage.

Quelques minutes se passèrent encore dans ce désespoir morne.

Puis le vieillard ouvrit la porte à sa petite servante.

— Paresseuse ! dit-il par habitude, qu’as-tu fait aujourd’hui, pour gagner le pain que tu manges ?… paresseuse et gourmande !

La pauvre enfant, chétive et maigre, répondait par son seul aspect à l’une au moins de ces accusations.

— Va vite, reprit Araby, me chercher un revendeur de ferraille au Pou-Volant.

La Gallfarde sortit.

Araby enfonça sur ses yeux sa casquette de peau, et traversa derrière elle la place de la Rotonde, en se dirigeant vers le centre même du marché.

On ne l’avait jamais vu se montrer ainsi au milieu du jour. Chose bien plus étrange, il laissait sa boutique ouverte et abandonnée à la merci du premier venu.