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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/147

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Araby fit vivement le tour de la baraque et présenta sa face ridée à la fenêtre qui s’ouvre du côté de la Rotonde.

— Mon bon Monsieur ! s’écria-t-il d’une voix lamentable, je donne tout pour huit sous !

L’inspecteur se leva et ferma la fenêtre.

Les doigts crochus de l’usurier battirent la générale sur les carreaux.

— Voyons ! six sous ! cria-t-il à travers les vitres ; six pauvres sous !

Quand il vit que personne ne lui répondait, son humilité feinte se changea en colère ; il grinça des dents ; il ferma ses poings étiques et prit le Très-Haut à témoin de l’injustice du Publicain.

Les gamins l’entouraient et tiraillaient le drap mûr de sa houppelande, en criant :

— Auguy !… Auguy !…

Il reprit, de guerre lasse, le chemin de la Rotonde, menaçant du poing ses persécuteurs et grommelant des malédictions bibliques.

Le marchand de ferrailles l’attendait dans son échoppe.

Il vendit, après d’interminables débats, sa caisse de fer et les guenilles qui l’entouraient.

Puis il resta seul dans sa boutique complètement vide.

La petite Galifarde se tenait tapie à sa place ordinaire, derrière la porte du magasin. Ses grands yeux effrayés étaient fixés sur le vieillard ; elle devinait ; sa terreur était profonde. Elle sentait par avance l’angoisse prochaine de l’abandon et du dénûment.

Araby faisait le tour de son bureau vide, et une force mystérieuse l’attirait toujours à l’endroit où avait été sa caisse ; il grommelait des paroles sans suite, et ses gestes étaient fous.

Plus de vingt fois il se dirigea vers la porte extérieure, et plus de vingt fois il revint dans ce coin aimé, où il laissait son âme.

Enfin, il fit sur lui-même un effort violent et franchit le seuil.

La petite Nono s’élança vers lui, les larmes aux yeux.

— Vous partez, dit-elle, vous ne reviendrez plus !… que vais-je devenir ?

Le vieillard la repoussa, mais sans rudesse.

— Fainéante ! grommela-t-il, et pourtant je ne peux pas la laisser ainsi sans ressource !…