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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/153

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par un rayon d’espérance. Parmi cet espoir naissant, il y avait encore beaucoup de crainte ; elle était si bien habituée à souffrir !

— Avec vous ?… répéta-t-elle timidement.

— Tu ne veux pas ?

— Oh ! mon Dieu ! s’écria la pauvre enfant, qui appuya ses petites mains jointes contre sa poitrine, si j’étais avec vous, je vous aimerais tant !

Batailleur avait un peu de bon dans l’âme : elle fut touchée. Elle souleva l’enfant entre ses bras, et lui mit sur le front une grosse embrassade.

— Si ça ne fait pas pitié ! grommela-t-elle ; sois tranquille, Fifille, tu n’auras plus ni faim ni froid !

— Et quelqu’un m’aimera ? dit l’enfant dont le regard humide encore avait une expression charmante.

— Oui, sur ma foi, quelqu’un t’aimera, s’écria Batailleur ; quand ça ne serait que moi, Fifille !

Nono entoura de ses bras le cou de la marchande et, dans le transport de sa joie, elle trouva le courage de lui rendre un baiser.

Batailleur s’essuya les yeux avec la mauvaise humeur d’un grognard qui se surprend à pleurer.

— Je te dis que c’est des bêtises, répéta-t-elle ; en voilà assez !… venons-nous-en !

Elle prit la petite fille par la main et l’emmena, sans rentrer dans le Temple, jusqu’à son appartement de la rue du Vert-Bois.

Là, elle commença sérieusement ses préparatifs de départ.

Et Dieu sait ce que la pauvre madame Huffé eut de fil à retordre ! Elle sentit cruellement, ce jour-là, le malheur d’avoir perdu la position qu’elle occupait jadis dans le monde.

Heureusement que ce n’était qu’un coup de collier à donner, après quoi devaient venir quinze bons jours de paresse.

Car le voyage de madame ne pouvait durer moins d’une quinzaine. Quel joyeux temps pour madame Huffé et pour le matou Minet, son Polyte !…

Le Temple était donc veuf, par le fait, de deux personnages très-éminents : l’usurier Araby et madame Batailleur.

Il regrettait en outre l’absence du cabaretier Johann, maître de la Gi-