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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/185

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excusable d’avoir une petite maison, c’est assurément une danseuse mariée.

» Que de caresses et que d’adoration ! je vis bien qu’elle n’avait jamais cessé de m’aimer.

» — Qu’as-tu donc, mon Albert ? me dit-elle, en me voyant reprendre mon air soucieux, après le premier moment de plaisir.

» — Je suis venu à Londres, répondis-je, pour obtenir trêve de votre mari, qui fait à ma maison une guerre à mort.

» — En vérité… et tu n’as pas réussi ? » — Non.

» — Pauvre cher Albert !… comment peut-on te refuser quelque chose !… Sois tranquille, j’arrangerai cela.

» Je secouai la tête en assombrissant davantage mon air de tristesse.

» — Tu le voudras, mon bel ange, répondis-je avec un gros soupir ; mais tu n’auras pas le temps !…

» — C’est donc bien pressé ?

» — Il faut que cela soit fait aujourd’hui même !

» Éva se prit à songer.

» — Il faut, poursuivis-je, que l’ordre du seigneur Yanos soit mis à la poste ce soir, pour arriver samedi à Paris… ou bien il sera trop tard.

» Elle réfléchit encore deux ou trois secondes, puis elle jeta ses jolis bras autour de mon cou.

» — Et tu serais bien heureux de réussir ? dit-elle en attachant sur moi ses yeux limpides et souriants.

» — Oh ! bien heureux !

» — Cette lettre, reprit-elle, il ne la fera pas… mais si je t’apportais un blanc-seing ?

» — Cela suffirait.

» — Eh bien ! dit-elle, tu auras ce blanc-seing.

» — Le Madgyar a donc grande confiance en toi, Eva ?…

» — Il m’adore…

» — Et toi ?

» — Il me bat.

» Sa prunelle eut un éclair de haine, puis elle se prit à rire follement.