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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/238

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des consolations ; elle relisait ces lettres, dès longtemps apprises par cœur, où Otto lui parlait d’amour.

Comme il savait parler l’amour ! comme chacune de ses paroles descendait vite au fond de l’âme.

Toutes les joies rêvées jadis revenaient, radieuses, des joies célestes, de pures tendresses, l’idée qu’un ange peut se faire du paradis !…

La foule, fatiguée, cherchait déjà le sommeil après le plaisir, que Lia restait debout encore, veillant à la lueur de sa petite lampe et relisant les pages adorées.

Pendant les dix ou douze premières nuits de son séjour au château de Geldberg, rien n’était venu troubler sa solitude. Un soir, elle s’arrêta, effrayée, au milieu de cette lettre, chère entre toutes, où Otto la suppliait à genoux de l’aimer.

C’était pendant le magnifique feu d’artifice, offert par la maison de Geldberg à ses hôtes.

Lia s’était esquivée, suivant son habitude, pour se donner entière à ses pensées, qui n’étaient point celles de la foule.

Elle tournait le dos au feu, qui resplendissait au delà de sa fenêtre, et dont les lueurs vives jetaient jusque dans sa chambre des clartés éblouissantes.

En un moment où les jets de lumière faisaient trêve, il lui sembla entendre sous ses pieds un bruit étrange. C’était quelque chose de semblable à cet autre bruit qu’elle entendait naguère, à Paris, sous le pavillon de l’hôtel.

Ce bruit, qui revenait jadis chaque jour, le matin à neuf heures et le soir à cinq heures, la poursuivait-il jusqu’au château de Geldberg ?

C’était bien la même chose : des pas sourds et lents qui retentissaient sous le parquet même de sa chambre. Elle se leva tremblante, et reprise par ses anciennes terreurs.

Son esprit était frappé d’avance, et son courage, qui s’épuisait à souffrir, ne pouvait plus rien contre ces vagues épouvantes.

À Paris, elle quittait sa chambre, la nuit, et se réfugiait dans la partie habitée de l’hôtel ; ici, nul secours à espérer dans sa retraite isolée.